Comment gérer la critique en entreprise ?
« Franchement, il est tellement mauvais… Il a couché pour arriver là ? » « Machine !? Mais je ne comprends même pas qu’elle n’ait pas encore été virée ! Elle passe ses journées à jouer au solitaire… » De tels propos sont fréquents en entreprise et difficiles à éviter tant les employés qui s’y côtoient ont chacun leur vision du travail bien fait, du management efficace voire du collègue idéal. Mais c’est un fait, on ne choisit pas beaucoup plus ses collègues que sa famille. En revanche, on doit les côtoyer au minimum 8 heures par jour, 5 jours sur 7. Alors autant savoir les gérer et mettre son ego de côté pour ne pas pourrir l’ambiance au bureau.
L’entreprise, une pièce de théâtre
Le monde du travail, c’est un monde de représentations, un huis clos où « les rapports humains et les comportements sont bien souvent caricaturaux, juge Jérôme Heuzé, auteur notamment de Insupportables collègues. « Le cadre du travail et ses enjeux accentuent particulièrement nos travers en nous faisant adopter des attitudes, des postures que nous n’avons pas forcément à l’extérieur. D’ailleurs, on croise souvent en entreprise de vrais personnages de théâtre avec des caractères bien trempés ». Ce qui entraîne inévitablement des clashs.
Et parfois, c’est à qui dominera l’autre. « Certaines personnes cherchent spontanément à assujettir les autres, ils ne savent pas vivre une situation sans diminuer ou fragiliser ceux qu’ils côtoient. A l’inverse, d’autres – et ceux-là sont forcément la cible des dominants – vont être sensibles à toutes formes de critiques, un simple bonjour et ils fonderaient presque en larmes », analyse Daniel Feisthammel, conseiller en management, dirigeant du cabinet Solutions fortes et auteur de Coups de pied aux cultes du management.
Rester pro en toutes occasions !
Dominant-dominé. Si ce couple est vieux comme le monde, les relations au travail ne sont pas toujours aussi caricaturales. Il est possible de vouloir imposer un projet que l’on juge meilleur à celui de son collègue sans toujours chercher à l’enfoncer. Mais pour ce faire, il faut éviter d’attaquer sur l’angle personnel. « Il est utile de savoir au maximum détacher ce que j’appelle sa personne fonction de sa personne physique. Ceux qui mettent en avant leurs compétences sans jouer de leur personnalité sont ceux qui s’en sortent le mieux dans ces situations de critiques, de stress. Surtout, ils prennent moins de risques d’être ensuite victimes de reproches ou de rumeurs à leur égard. Donc on ne débine pas dans le dos des autres ! », estime Daniel Feisthammel.
« Il faut rester objectif et expliquer que vous n’êtes pas d’accord sur tel ou tel point particulier au travail, mais jamais vous ne devez prendre à parti quelqu’un sur sa personnalité. Et s’il doit y avoir des dérapages, cela se fait entre quatre yeux, jamais en public », juge également Jérôme Heuzé. Faire preuve d’humour ne peut pas non plus nuire à la bonne ambiance du groupe. Bien au contraire.« Analyser vos propres travers et comportements caricaturaux vous évitera de tourner en rond et d’envenimer la situation », poursuit l’auteur d‘Insupportables collègues. Autre règle de survie : « apprendre à rester mesuré face à la critique. Si on vous attaque en public, le fait de rester calme vous grandit et fait vite retomber toute forme d’agressivité », conseille Sylvain Grevedon, directeur conseil chez Mercuri Urval (Tu aimeras tes collègues comme toi-même).
Quid de la responsabilité managériale ?
La critique systématique peut aussi révéler un certain état esprit propre à la culture d’une entreprise. « Dans certaines boîtes qui fonctionnent parfaitement, il arrive que ça pleurniche beaucoup, quand dans d’autres, économiquement à l’agonie, l’ambiance demeure très bonne », constate Daniel Feisthammel. En cause ? Le plus souvent, cela tient au management et au couple « dirigeant-RH, perçoit le consultant. « Ce sont des entreprises où l’on considère qu’il faut faire adhérer les collaborateurs, les motiver, les écouter, ce sont des sociétés où l’on a peur des mouvements sociaux, peur de faire des vagues ; or plus elles fonctionnent sur ces modèles idéologico-affectifs, plus elles ont des problèmes d’ambiance ».
Quand des tensions s’installent entre collaborateurs, les managers doivent aussi prendre les choses en main. « Un conflit larvé entre deux individus ne peut être atténué que si leurs responsables s’en mêlent. C’est rare que les équipes y parviennent d’elles-mêmes, juge Sylvain Grevedon. Dans ce cas-là, le mieux est encore de faire remonter l’information à la hiérarchie ». La crise ou encore des changements organisationnels, nouvelles méthodes de management, réduction d’effectifs, gain de productivité, etc. sont autant de facteurs qui peuvent jouer sur le moral des troupes et pourrir l’ambiance de travail. « C’est alors à la direction de créer du sens malgré l’adversité », conclut Jérôme Heuzé.
Jusqu’où peut-on dénigrer ? Critiquer son chef devant des collègues, ou même d’autres collègues, que ce soit en privé ou sur son lieu de travail, peut vous mener au licenciement. En 2008, la Cour de cassation a ainsi validé le licenciement pour faute grave d’une salariée qui avait tenu des propos injurieux à l’encontre de sa supérieure hiérarchique sur un stand de foire. Elle y était pourtant en dehors de son temps et de son lieu de travail, mais la scène s’est déroulée devant trois personnes placées sous ses ordres. Parler négativement de son entreprise (difficultés économiques ou critique des produits commercialisés) peut aussi amener à des sanctions. Les réseaux sociaux constituent aujourd’hui une source forte de litiges entre direction et salariés, ces derniers postant des commentaires acides sur leur entreprise.
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