Transparence des salaires : ce qu’il reste encore à faire
A quelques mois de l’entrée en vigueur de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, à peine 1 entreprise sur 16 a un projet formalisé de mise en conformité, selon une étude de l’agence How Much.
L’échéance du 7 juin 2026 se rapproche à grands pas. A cette date, toutes les entreprises de l’Union européenne devront se conformer à la directive sur la transparence des rémunérations, qui les contraint notamment à indiquer une fourchette de salaire sur leurs offres d’emploi. Celle-ci impose également aux entreprises d’informer les salariés qui en feront la demande sur les rémunérations moyenne et médiane des postes équivalents au leur, ventilées par sexe. D’où le besoin de formaliser en amont des grilles salariales cohérentes en interne en vue de l’entrée en vigueur de la directive.
Mais selon Sandrine Dorbes, experte en stratégie de rémunération et créatrice de l’agence How Much, les entreprises sont loin d’être prêtes. « Le 7 juin 2026 est la date butoir pour que la directive soit transposée en droit français. Il reste à peine plus de six mois, alors qu’un projet de transparence salariale sérieux prend plutôt un an. Il est vraiment temps de réagir, sans plus attendre ! », indique-t-elle en préambule d’une étude* publiée par How Much sur le sujet.
Quatre étapes pour se mettre en conformité
Selon celle-ci, à peine plus d’1 entreprise sur 16 (6,2 %) a déjà formalisé un projet de mise en conformité. Les grandes entreprises sont les plus avancées : 49 % ont un projet formalisé avec gouvernance, planning et budget, 21% ont lancé des actions mais sans projet formalisé. Dans le même temps, 29% n’ont encore rien initié. Une proportion qui monte à 35% parmi les ETI, à 58% parmi les PME et même à 67% chez les TPE.
Parmi les entreprises qui ont entamé ce chantier sur la transparence salariale, la plupart en sont à la première étape, à savoir le diagnostic et le nettoyage des données de rémunération (17% des PME, 16% des TPE, 22% des ETI et 14% des grandes entreprises). L’étape d’après – définition en cours des grilles salariales et des critères objectifs – est celle où en sont le plus de grandes entreprises (23%), moins parmi les ETI (20%), les PME (12%) et les TPE (10%).
Seulement 13% des grandes entreprises et des ETI, 9% des PME et 8% des TPE ont finalisé leur politique de rémunération sans l’avoir encore déployée. Seules 21% des grandes entreprises, 10% des ETI, 4% des PME et 5% des TPE ont déployé le dispositif complet (process RH, outils, communication, formation).
Un délai de mise en conformité qui dépend de la taille de l’entreprise
Tout ce travail de mise en conformité prend du temps, de moins de 6 mois pour 39% des grandes entreprises à plus de 18 mois pour 20% des PME. Grâce à des équipes RH mieux outillées, des systèmes d’information plus robustes et une culture du reporting déjà installée, les grandes entreprises tablent sur une mise en conformité plus rapide que dans les plus petites entreprises.
« Au global, la France risque de connaître un déploiement de la transparence salariale à deux vitesses : rapide dans les GE et une partie des ETI, mais nettement plus progressif – et véritablement problématique vis-à-vis du calendrier légal – dans les TPE et PME », pointe l’étude.
C’est d’autant plus le cas que toutes les entreprises ne partent pas du même endroit. Un tiers des grandes entreprises ont déjà pour tous leurs salariés des grilles salariales formalisées et des critères de rémunération et d’augmentation écrits et partagés avec les RH et les managers, un autre tiers pour 75% de leurs salariés. Au sein des PME, c’est moins le cas : de telles grilles et critères existent pour moins de la moitié des salariés dans 72% des entreprises de cette taille. Pour les TPE, c’est même 77%.
« La structuration de la politique de rémunération est donc encore très partielle et les obligations de transparence salariale vont s’appuyer sur des fondations très inégales selon la taille d’entreprise », indique encore How Much dans son étude.
Retard possible sur la transposition de la directive en droit français
Au-delà des grilles salariales, la directive européenne impose aux entreprises de nouvelles obligations, sur lesquelles elles ne sont pas toujours prêtes non plus. Seulement 46% des entreprises estiment qu’elles afficheront d’ici au 7 juin 2026 des fourchettes de salaire dans toutes leurs offres d’emploi. 69% disent qu’elles seront prêtes à cette date concernant l’interdiction de demander l’historique de rémunération des candidats, 47% sur la mise à disposition d’une information claire sur les critères de rémunération aux salariés, et 61% sur leur capacité à produire un reporting annuel sur les écarts de rémunération femmes-hommes.
Dans ce contexte, beaucoup d’entreprises n’excluent pas de ne pas être en conformité au 7 juin 2026. Seulement un tiers des grandes entreprises (35%) estiment qu’elles seront pleinement conformes à la date butoir, un chiffre qui tombe à 9% pour les PME et 8% pour les TPE. Parmi ces deux catégories d’entreprises, autour de 30% jugent même qu’elles seront clairement en retard sur plusieurs obligations.
Reste que la transposition de la directive en droit français a de toute façon pris du retard avec l’instabilité gouvernementale et les débats houleux sur le budget 2026. Alors qu’une loi sur le sujet était annoncée d’ici la fin de l’année, les discussions entre les partenaires sociaux et le ministère du Travail sur la transparence salariale sont au point mort. Pour Gilles Gateau, directeur général de l’Apec, « ce n’est pas sûr que la France aura transposé la directive avant le 7 juin 2026, mais ce ne serait pas la première fois que la France serait en retard sur une transposition ». Pour autant, selon lui, « ce n’est pas dû à une opposition politique comme ça avait pu être le cas par le passé sur la transposition de la directive sur le travail de nuit des femmes. C’est davantage dû au contexte global ». Sans parler du délai de mise en conformité qui pourrait être accordé aux entreprises le moment venu.
*enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 5 529 entreprises (3 615 TPE, 1 301 PME, 516 ETI et 97 grandes entreprises), interrogées par sondage en ligne en novembre 2025 à partir du panel de répondants BuzzPress (27 700 personnes en France sondées électroniquement par email et sur les réseaux sociaux Facebook et LinkedIn).