La « ping fatigue », l’ennemi silencieux de vos salariés
Le mot RH de la semaine. Hervé Lesage-Boillot, DRH du groupe The Links, vous explique comment contrer ce phénomène d’hyperconnexion qui altère la santé mentale de vos collaborateurs.
« À l’ère du télétravail et de la culture du « toujours connecté », une nouvelle forme d’épuisement fait rage : la ping fatigue, matérialisée par la multitude des notifications numériques (alerte email, SMS, Slack, Teams…) qui accompagne la journée professionnelle. Ce travers de notre époque pose des questions RH en matière de productivité des collaborateurs, d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que sur la santé mentale. Dès lors, quelles réponses adopter pour préserver le bien-être des talents ? »
Le fardeau invisible
« En entreprise, nous avons tous connu cette sensation : une alerte Slack, un email qui arrive, une notification Teams qui clignote… Chaque « ping » de ces outils de communication modernes est une sollicitation, une micro-interruption qui, à la longue, s’accumule et devient un fardeau invisible : la « ping fatigue ». Ce concept décrit l’épuisement mental et la baisse de concentration causés par le flux incessant de notifications numériques. C’est l’équivalent de l’hypoglycémie attentionnelle, une diminution progressive de nos capacités cognitives à force d’être constamment distrait. Cette forme de fatigue est un phénomène contemporain qui se manifeste par une baisse de la concentration, une augmentation du stress, et une diminution de la productivité, l’attention étant constamment fragmentée par l’urgence perçue de répondre à chaque sollicitation. »
Un frein majeur à la productivité et à la concentration
« La ping fatigue n’est pas qu’un simple désagrément ; elle a des conséquences tangibles sur notre efficacité. Chaque interruption, qu’elle soit courte ou non, a un coût cognitif. Notre cerveau met du temps à se reconcentrer sur la tâche initiale. Une étude de l’université de Californie a montré qu’il faut en moyenne 23 minutes pour retrouver une concentration optimale après une interruption. Multipliées par des dizaines, voire des centaines de « pings » par jour, ces interruptions réduisent drastiquement le temps alloué au travail en profondeur, c’est-à-dire le travail qui demande une attention soutenue et qui est souvent à l’origine de l’innovation et de la créativité. »
« De plus, ce bombardement d’informations constantes maintient notre cerveau dans un état de vigilance constante, prêt à réagir à tout moment. Cela génère un stress chronique, augmente le niveau de cortisol et peut, à terme, conduire au burn-out numérique. Les collaborateurs se sentent obligés de répondre instantanément, ce qui crée une culture de l’urgence artificielle et nuit à la qualité des échanges. Au lieu de favoriser la collaboration, le flux ininterrompu de notifications peut devenir un obstacle, rendant la communication superficielle et fragmentée. »
Des solutions concrètes
« Pour contrer ce phénomène, les entreprises et les collaborateurs doivent adopter des stratégies délibérées. La première étape consiste à reprendre le contrôle sur les notifications. Il ne s’agit pas d’abandonner les outils de communication, mais de les utiliser de manière plus intentionnelle. Voici quelques pistes à envisager :
- bloquer du temps pour le travail en profondeur : planifiez des plages horaires sans interruption, où les notifications sont désactivées ;
- encourager la « communication asynchrone » : pour les questions non urgentes, privilégiez les emails ou les messages qui ne demandent pas de réponse immédiate ;
- établir des « périodes de silence » : déterminez des moments de la journée, ou même des journées entières, où les communications sont réduites au minimum, permettant à chacun de se concentrer ;
- former les salarié(e)s à l’utilisation efficace des outils de communication : il faut apprendre à utiliser les bonnes fonctionnalités (fils de discussion, statuts…) pour éviter la surcharge ;
- limiter les canaux de communication : trop d’outils (Slack, Teams, email, WhatsApp) peuvent augmenter la fragmentation de l’attention. »
« En fin de compte, la lutte contre la ping fatigue est une opportunité de repenser notre culture de travail. Il s’agit de privilégier la qualité sur la quantité, de valoriser la concentration et de permettre aux employés de se déconnecter pour mieux se reconnecter. Il est également crucial de réhabiliter les interactions en présentiel : qu’il s’agisse d’entretiens individuels en tête-à-tête ou de moments collectifs, le contact humain reste le meilleur rempart contre les biais d’interprétation et les malentendus souvent induits par l’écrit numérique. C’est en créant un environnement plus calme et plus intentionnel que nous pourrons réellement libérer le potentiel de nos équipes. Pensez à déconnecter. »