Inversion de la courbe du chômage : il suffira d’un signe ?

La première surprise des vacances est venue de la croissance. Avec +0,5% au deuxième trimestre, le PIB français avait meilleur mine que prévu. Pas de quoi s’enflammer tout de même à la veille du 15 août, car au niveau de l’emploi on attend toujours l’inversion de la courbe du chômage promise d’ici la fin de l’année. Et pour le moment, les politiques impatients, comme Sœur Anne dans Barbe Bleue, ne voient « que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie ». Mais on veut y croire quand même.
La hausse du chômage au ralenti
Ainsi lors de la publication des chiffres des demandeurs d’emploi en France (+0,2% en juillet) mardi dernier, le Ministère du travail ne parlait pas encore « d’inversion » de la courbe de chômage, mais d’un « ralentissement » de la hausse. Dans le communiqué de presse, un graphique se voulait lui aussi porteur d’espoir, avec le signe prometteur entouré de rouge en pointillé.
La courbe des demandeurs d’emploi de moins de 25 ans, inscrits en catégorie A, s’infléchit gentiment depuis la fin du printemps pluvieux. -0,8% en juillet, « après -0,3% en juin et -0,5% en mai », précise le communiqué du cabinet de Michel Sapin. Une tendance importante quand on sait que les jeunes sont la catégorie la plus touchée par le chômage. Mais difficile de dire si c’est le résultat des mesures prises en faveur de l’emploi des jeunes, notamment avec les différents dispositifs d’emplois aidés, une traditionnelle reprise saisonnière, ou un regain d’activité plus durable. Un peu des trois sans doute même si sur les emplois d’avenir ou les contrats de génération, les deux mesures-phares de l’exécutif pour doper l’emploi des jeunes, c’est un peu le flou sur les chiffres. Du côté du gouvernement on se montre plutôt pragmatique : « Avant d’inverser, avant de faire diminuer le nombre des chômeurs, il faut commencer par ralentir la hausse de ce chômage, c’est ce qui se passe. Nous allons dans la bonne direction » constatait le Ministre du Travail le 28 août.
Le FMI dit stop à la rigueur
Pour soutenir cette « reprise encore hésitante », le FMI adresse lui aussi un message positif à la France. « La rigueur point trop n’en faut », explique le Fonds monétaire international en invitant Paris à ne pas trop serrer la ceinture des Français pour réduire le déficit. L’organisation monétaire avait pourtant vendu de la rigueur à tout le monde pour sortir de la crise de l’endettement. C’était avant d’avouer du bout des lèvres s’être trompé dans ses calculs. Une petite erreur dans un tableau Excel, ça arrive à tout le monde !
Autre chiffre, autre signe, celui des déclarations d’embauches enregistrées par l’Acoss, la caisse nationale des Urssaf. Au cours des trois derniers mois, les recrutements en CDI et CDD ont progressé de 1,6%. Sur l’ensemble de l’année, la tendance reste négative, mais rien qu’au mois de juillet, les embauches hors intérim « ont rebondi » de 3,6%. Pas de quoi pavoiser encore car l’intérim et l’emploi des cadres, de bons indicateurs de reprise des embauches, sont toujours orientés à la baisse.
Vers un marché de l’emploi à deux vitesses ?
Mais au-delà des chiffres et des signes que chacun croit y apercevoir, il faut peut-être regarder différemment la situation pour mieux anticiper l’avenir de l’emploi. En observant ce qui se passe aux Etats-Unis, mais également en Allemagne, deux pays où le taux de chômage est au plus bas malgré la crise, la structure du marché de l’emploi semble clairement à deux vitesses. Des postes qualifiés d’un côté, mais en nombre réduit, et des postes subalternes et peu rémunérés à l’autre bout de l’échelle. Entre les deux, des chercheurs d’emploi qui ne correspondent à aucun de ces profils et qui finissent par renoncer à trouver du travail.

Plutôt que de se focaliser sur la sacro-sainte courbe du chômage, peut-être faudrait-il anticiper cette mutation du marché de l’emploi, aider les entreprises qui n’arrivent pas à recruter, former des jeunes à leurs métiers et accompagner mieux les travailleurs qui sortent du système salarial : les indépendants, freelances et entrepreneurs qui ne pourront à eux seuls créer suffisamment d’emplois pour demain.
