Comment l’IA secoue la gestion des talents dans les entreprises ?

Un double défi attend les entreprises face à l’adoption massive de l’IA : attirer des talents déjà opérationnels, et former la relève pour demain.

manège secouer
Les entreprises sont secouées avec l'IA : sans vivier junior, la chaîne de renouvellement des talents se fragilise. © Mehdiator / Stock.adobe.com

L’essor de l’intelligence artificielle est devenu une réalité opérationnelle dans les entreprises du monde entier. Selon une étude menée par IDC pour la plateforme Deel* auprès de 5 500 décideurs dans 22 pays, l’IA n’est plus cantonnée aux projets pilotes. Elle redessine les métiers, les parcours professionnels, et questionne sérieusement l’avenir des profils juniors. En automatisant une partie des tâches autrefois confiées aux collaborateurs les moins expérimentés, l’IA force les organisations à repenser leurs modèles de gestion des talents, pour aujourd’hui, mais surtout pour demain.

L’IA s’installe dans les processus et redessine les rôles

À l’échelle mondiale, la quasi totalité des entreprises ont exploré ou déployé des outils d’IA. Plus frappant encore, près de 70 % affirment avoir dépassé le stade de l’expérimentation pour intégrer ces technologies dans leurs processus quotidiens.

L’IA n’est plus cantonnée aux micro-tâches répétitives. Elle touche désormais des missions plus stratégiques et transforme la manière dont le travail est organisé. Dans ce contexte, 91 % des organisations reconnaissent que certains rôles ont déjà été modifiés, voire supprimés.

Recul des recrutements juniors : un risque stratégique pour les entreprises

C’est l’un des enseignements les plus marquants de l’étude : sous l’effet de l’IA, deux entreprises sur trois prévoient de réduire les recrutements de profils routiniers ou débutants dans les années à venir.

Il ne s’agit pas d’un simple ajustement conjoncturel. Sans vivier junior, la chaîne de renouvellement des talents se fragilise. De nombreux dirigeants interrogés s’inquiètent déjà de cette contraction du « pipeline de futurs leaders ». Le système traditionnel, qui consiste à former les juniors sur le terrain et les promouvoir progressivement, s’érode, et pour l’instant, rien ne le remplace.

La question n’est donc plus seulement de savoir comment l’IA change les métiers, mais de comprendre comment les entreprises continueront à se créer leurs propres experts si les premiers échelons disparaissent.

Attirer et fidéliser les profils qualifiés : un défi de taille

Dans ce contexte, attirer des talents qualifiés devient d’autant plus important. L’adoption massive de l’IA a entraîné une hausse significative de la demande mondiale pour les professionnels spécialisés. Cette année, 43 % des entreprises sondées déclarent avoir embauché au moins un spécialiste en IA. Mais encore faut-il parvenir à séduire ces profils très convoités.

L’étude le souligne : si la rémunération reste un levier important, « les meilleurs talents en IA accordent également une grande importance aux outils de pointe, à des perspectives de carrière claires et à un travail valorisant ». Autrement dit, le salaire seul ne suffit plus. Les entreprises doivent proposer un environnement à la hauteur des ambitions et de l’expertise de celles et ceux qui façonneront le marché du travail de demain. Dans un univers où l’IA redéfinit tout, le capital humain redevient un avantage stratégique majeur.

Le diplôme recule, les compétences pratiques s’imposent

Autre transformation majeure : les critères de recrutement évoluent. Seules 5 % des entreprises considèrent encore le diplôme comme un facteur déterminant pour les postes d’entrée. Les compétences directement mobilisables prennent le pas, telles que la maîtrise d’outils IA, les certifications techniques, la pensée critique, la résolution de problèmes, la capacité à apprendre rapidement…

Si ce basculement peut sembler positif, il pose un dilemme pour les entreprises. Faut-il privilégier des talents déjà opérationnels ou investir sur des profils à former, alors même que les postes « formatifs » se raréfient ?

À noter également que les offres mentionnant l’acronyme « IA » explosent, y compris dans des entreprises historiquement non-tech. Certaines n’hésitent plus à proposer des rémunérations pouvant atteindre +50 % pour attirer les bons profils. La compétition devient à la fois féroce, mais aussi coûteuse.

Former en interne : une urgence difficile à relever

Pour répondre à ces tensions, beaucoup d’organisations misent sur la formation interne. Aujourd’hui, 67 % des entreprises investissent dans des programmes de montée en compétences liés à l’IA. Construire ses talents en interne semble logique, mais la réalité s’avère plus complexe. Les entreprises se heurtent au manque d’engagement des collaborateurs, aux contraintes budgétaires et à la pénurie de formateurs capables de transmettre des compétences IA applicables au quotidien.

En conséquence : les efforts de formation avancent souvent moins vite que l’évolution des métiers. Pour les professionnels RH, c’est une course contre la montre. Sans formation, il est difficile d’adapter les équipes existantes. Mais sans postes d’entrée, impossible de fabriquer les compétences de demain. L’équation se referme et les entreprises vont probablement devoir repenser leurs approches.

L’IA va-t-elle creuser un fossé entre PME et grandes entreprises ?

Toutes les entreprises, grandes ou petites, sont confrontées à un même dilemme : comment attirer et former des talents dans un monde où l’IA automatise de plus en plus de tâches et fragilise les postes juniors ? Les grandes entreprises disposent des moyens pour investir dans les outils, les formations et les parcours de montée en compétences. Elles peuvent réorganiser leurs équipes, repenser leurs carrières, et sécuriser leur pipeline de futurs leaders.

Les TPE-PME, qui représentent pourtant 99% des entreprises françaises, n’ont pas toujours cette marge de manœuvre. Beaucoup misent sur l’IA pour compenser un manque de main-d’œuvre ou accélérer certaines fonctions, mais sans ressources humaines ni financières suffisantes, elles risquent de se retrouver à court de talents qualifiés dans quelques années. Le danger est réel, car sans vivier junior et sans formation interne structurée, ces entreprises pourraient se heurter à une pénurie de collaborateurs capables de faire évoluer l’activité et d’innover.

Dans cinq ans, ce n’est donc pas seulement une question de taille d’entreprise. Toutes devront anticiper l’impact de l’IA sur leurs talents, car celles qui ne réussiront pas à adapter leurs stratégies RH pourraient voir leur compétitivité s’éroder, tandis que les organisations ayant anticipé ces transformations tireront un avantage décisif.

*étude réalisée par IDC pour Deel auprès 5 500 entreprises. Les répondants proviennent d’organisations de toutes tailles et occupent des postes décisionnels. L’étude couvre 22 pays à travers le monde : Allemagne, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Corée du Sud, Espagne, États-Unis, France, Hong Kong, Inde, Israël, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Singapour, Suède. La collecte des données a été réalisée en septembre 2025.

 

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